Un jour à l'aquarium, fiction spéciste

C'était un de ces dimanches qui distillent l'ennui comme une sorte de brume s'étendant aux deux hémisphères du cerveau.

Les enfants ne savaient pas quoi faire de leur énergie qu'ils dépensaient en cris, en querelles inutiles et en tiraillements.

Je leur proposai une visite culturelle à l'aquarium afin qu'ils puissent s'inspirer du silence des poissons.

Donc, après la messe et le dîner, j'embarque les trois enfants et ma charmante épouse (ancienne top modèle et caissière chez Walmart) dans le coffre de ma Ferrari (Volkswagen), pour qu'on croit que je suis célibataire et disponible, et nous filons vers l'aquarium.

Justement, c'est gratuit le dimanche de chaque début du mois, entre quatorze heures et quatorze heures quinze.

Nous entrons et mes enfants se distribuent ici et là sans trop perturber la foule nombreuse de visiteurs. Je suis assez déçu des poissons en démonstration. Aucun animal exotique et coloré comme on en voit dans les films de Disney.

Nous passons sous le tunnel transparent et autour de nous des bancs de poissons virevoltent dans tous les sens, mais les poissons sont de nos eaux nordiques, tous gris et mornes, telles les pages décolorées d'un vieux journal.

Après un temps, nous sortons pour assister au repas de l'ours polaire. Enfin ! Un bel animal. La pauvre bête n'a pas une grande surface pour s'ébattre et courir et faire ce que font les ours polaires habituellement, ce qui... j'en sais rien ce qu'ils font de leur journée !
Des publicités pour le papier de toilette, je crois.

Notre ours polaire, en contraste avec la neige, n'a pas la robe blanche, mais plutôt jaunâtre sale. Il a l'air pataud. En quatre mots, il se fait chier. L'air de dire : "Qu'est-ce que je fais ici? Qui sont ces gens qui me toisent effrontément?"

Néanmoins, sa grâce se révèle quand le désir de s'ébrouer dans une sorte de piscine lui prend. Il démontre alors une grande souplesse qu'ont parfois les grosses personnes qui jouent aux quilles.

Nous étions sur le point de partir quand soudainement un drame survint. On ne sait pas pourquoi mais notre ours a semblé s'énerver quand un membre du personnel de l'aquarium s'est approché pour lui lancer un poisson.

La bête est sortie de l'eau et a fait un bond qui a médusé et effrayé tous les spectateurs. Il pousse du nez le tireur de poisson qui se retrouve dans la piscine glacée. L'alerte est donnée, mais notre ours ne s'en tient pas à cette incivilité, il vient vers nous à grande enjambée, avec une vélocité étonnante, et tous les spectateurs de se mettre à courir, fuyant dans tous les sens.

Une dame et sa petite fille, paralysées par la peur, se retrouvent face à l'animal furibond. Nous craignons tous une tuerie pendant un moment. N'écoutant que mon courage, je lui lance une canette de Coca-Cola. Il la reçoit sur le bord de la tête. Il est comme stupéfié et s'arrête. Puis l'équipe d'urgence de l'aquarium arrive avec des fusils pour le neutraliser.

Ouf ! Le voilà qui s'assoupit après avoir reçu une dizaine de dards
dans le postérieur.

Vous voyez, me dis-je, c'est cela la nature : une force brutale et amorale, sans foi ni loi, comme dans "Aliens, le Huitième passager". L'ours allait dévorer ou massacrer cette délicate petite fille, ou sa mère, ou un de mes enfants. N'a-t-il pas aussi une progéniture? Sale bête ! Vive le réchauffement climatique. Il ne resterait que les chiens, les chats, les oiseaux, les vaches, les porcs... les abeilles... et, tiens, les orignaux qui ne dérangent personne, cela suffirait à notre bonheur. Avez-vous déjà essayé de vous débarrasser de la vermine des moucherons? Si oui, vous voyez ce que je veux dire.

Ensuite, nous retournâmes à la maison, calmes et agités à la fois, méditant sur le sort des animaux en cages, sur les poissons, sur les dimanches qui s'étirent, sur la cruauté du destin.

Est-ce ainsi que les hommes vivent? s'interrogeait le poète. Et cela vaut-il la peine d'aller faire tourner des ballons sur son nez?







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